La presse nationale et internationale nous le rappelle tous les jours, la République populaire de Chine aurait vaincu l’épidémie de Covid-19, alors même que l’Europe et les États-Unis s’enfoncent dans la plus grave crise sanitaire de leur histoire récente.
Dangereusement fragilisé par sa gestion désastreuse du début de l’épidémie, le régime de Xi Jinping tente en effet de redorer son blason sur la scène internationale à coup de communiqués triomphaliste sur les chiffres contenus de l’épidémie et d’images de propagande sur l’aide internationale accordée aux pays d’Europe en déroute. A écouter de nombreux commentateurs, l’énergie déployée par Pékin et la discipline et l’abnégation dont fait preuve le peuple chinois devraient même servir de modèle à des démocraties libérales en déliquescence, incapables de mettre en place une stratégie efficace pour enrayer l’épidémie.
Alors que ce narratif s’installe doucement dans l’imaginaire collectif, il nous semble fondamental de rappeler une évidence, c’est bien la gestion par Pékin qui est à la base de la catastrophe que nous vivons tous aujourd’hui.
La population chinoise, première victime
Ne nous y trompons pas, les sacrifices consentis par la population chinoise, singulièrement dans la province du Hubei et la ville de Wuhan, ont été colossaux. Déjà surveillés en permanence par l’un des régimes les plus autoritaires du monde, les habitants ont dû renoncer à leurs dernières libertés et se plier à des règles de confinement d’une rigidité absolue. Et toutes ces mesures n’auront néanmoins pas permis d’éviter une hécatombe dont on ne connaîtra sans doute jamais l’ampleur exacte du fait de la censure et de l’instrumentalisation de l’information par les autorités chinoises.
Nous arrivons là au cœur du problème qui a plongé le monde dans la tourmente. Alors qu’il est avéré que les premiers cas d’infections pulmonaires liées au Covid-19 sont apparus à Wuhan au mois de novembre, les autorités locales, puis nationales, ont attendu le mois de janvier pour admettre l’apparition d’un nouveau coronavirus hautement contagieux et très pathogène.
Inonder le monde de propagande
Forte de leur influence au sein de l’Organisation mondiale de la Santé, les autorités chinoises ont aussi usé de toutes les pressions imaginables pour retarder l’annonce d’une pandémie. (En dépit de toute évidence, il faudra attendre le 11 mars pour que l’OMS déclare que la propagation du COVID-19 constitue une pandémie.) Usant d’une de ses stratégies habituelles, Pékin n’a enfin pas hésité à qualifier de « racistes » les critiques occidentales de sa gestion de l’épidémie ou les mesures de contrôle aux frontières de voyageurs en provenance de Chine. (Mesures pourtant aussi mises en place par ses voisins asiatiques, y compris la Corée du Nord.)
Pire, les quelques rares membres du personnel soignant qui ont eu le courage d’alerter la population sur les dangers de la maladie ont eu à subir les foudres de la police. Pensons au docteur Li Wenliang, ophtalmologue et lanceur d’alerte de 34 ans, lui-même mort à Wuhan au début du mois de février des suites du Covid-19. Quelques semaine auparavant, il avait été accusé d’avoir voulu provoquer un mouvement de panique injustifié dans la population. Face au déferlement d’émotion et de colère suscité par son décès, les autorités ont été forcée de le réhabiliter. Trop tard, le mal était fait et allait s’abattre sur le monde.
On ne sait pas ce qu’il se passe en Chine. Officiellement, aucune nouvelle contamination « endogène » n’est plus constatée sur le territoire, et les nouveaux cas détectés, dits « importés », sont tous attribués à des chinois revenant de l’étrangers immédiatement placés en quarantaine stricte. Rien n’y fait, en dépit du précédent du mois de décembre, la presse internationale relaye sans plus de questionnement les chiffres officiels communiqués par Pékin.
Non content de cela, la Chine tente de propager des rumeurs accusant l’armée américaine d’être à l’origine de la pandémie, rumeurs relayées abondement sur les médias sociaux complotistes, notamment russes, et qui trouvent un écho jusque dans la presse occidentale. Au-delà de la crise sanitaire, le Covid-19 est en effet en passe de devenir un nouvel épisode de la guerre d’image et d’influence que se livrent la Chine de Xi Jinping et l’Amérique de Donald Trump, dont l’inconséquence face à la situation sont autant d’armes offertes à Pékin.
Un impératif pour le monde, se rappeler et anticiper
Redisons-le, la population chinoise a payé – et continue probablement – de payer un lourd tribu à la maladie. Double peine, le nombre d’actes racistes à l’encontre des asiatiques a explosé dans les pays occidentaux avant la propagation de l’épidémie en dehors des frontières chinoises. Ces faits ne doivent pas nous faire oublier que c’est la nature même de la gouvernance de la RPC qui est à l’origine de la crise.
Premier élément, le laxisme sanitaire observé à travers le pays est déjà à l’origine de l’apparition de plusieurs épidémies de moindre ampleur au cours des 20 dernières années. Face au problème, la Chine a annoncé le 24 février qu’elle interdisait « totalement et immédiatement » le trafic et la consommation d’animaux sauvages, pointé du doigt dans l’apparition de l’épidémie. On rappellera néanmoins qu’une telle législation existe déjà depuis 2003, sans que Pékin n’ait jamais tenté de la faire appliquer sur le terrain.
Deuxième élément, la couardise des autorités locales tétanisées devant la violence dont fait preuve le pouvoir de Xi Jinping favorise la dissimulation dans tous les domaines, y compris les plus critiques.
Troisième élément, la chape de plomb que fait peser le régime sur la diffusion de l’information a empêché les partenaires de la Chine, y compris l’OMS (elle-même largement sous l’influence de la Chine), de prendre la mesure exacte de cette épidémie avant sa propagation en dehors des frontières chinoises. Les gouvernements de chaque pays touché auront à répondre devant leurs citoyens d’un manque d’anticipation coupable face à un crise annoncée par les précédents du SRAS ou de la grippe H5N1.
Un fait demeure au final, c’est bien de Chine qu’est partie l’épidémie, c’est en Chine qu’elle a été dissimulée, et c’est en Chine qu’elle aurait pu – dû être maîtrisée. Le régime en a fait la preuve, le totalitarisme n’est pas efficace et ne constitue en rien un modèle de remplacement de nos démocraties. Au contraire, la désinformation institutionnalisée, la censure et la dissimulation sont à la source de la crise à laquelle le monde doit faire. Nous sommes loin d’avoir surmonté le covid-19 mais il n’est pas trop tôt pour en tirer ces enseignements qui sera fondamental si nous voulons anticiper et nous protéger d’une nouvelle pandémie.